17 février 2022
17 février 2022
Aggravation de l’écoulement naturel des eaux : bref sommaire de quelques principes récemment réitérés par la Cour d’appel.
L’art. 979 du Code civil prévoit une servitude légale d’écoulement naturel des eaux d’un fonds supérieur vers un fonds inférieur. L’alinéa 2 de cet article ajoute cependant que le propriétaire d’un fonds supérieur « ne peut aggraver la situation du fonds inférieur ».
Les tribunaux ont interprété cet article comme interdisant toute intervention humaine ayant pour résultat d’augmenter le volume naturel des eaux, de changer leur cours normal ou d’ajouter aux eaux des matières nuisibles.
Depuis 2016, la Cour d’appel du Québec a rendu quatre arrêts de principe réaffirmant certaines règles applicables à une aggravation de l’écoulement naturel des eaux. Ces règles se rapportent à des arguments fréquemment soulevés en défense dans de tels dossiers. Nous offrons un bref sommaire de ces règles ci-dessous.
Le fait qu’un fonds supérieur reçoive de l’eau d’autres fonds n’empêche pas de conclure à une aggravation de l’écoulement naturel des eaux
Dans les affaires Meadowbrook, Ville de Mont-Tremblant, Ville de Québec et Ste-Anne-de-Beaupré, la Cour d’appel a conclu à une aggravation de l’écoulement naturel des eaux dans un contexte où plusieurs fonds contribuaient aux eaux passant du fonds supérieur du défendeur au fonds inférieur du demandeur.
Une action en injonction pour faire cesser une aggravation de l’écoulement naturel des eaux est imprescriptible tant que l’aggravation perdure
La Cour d’appel a confirmé dans ses arrêts Ville de Mont-Tremblant et Meadowbrook qu’une action en injonction pour faire cesser un écoulement non-naturel des eaux n’est pas prescriptible, puisqu’il s’agit d’une violation continue d’une obligation.
L’existence d’ouvrages pendant des décennies n’empêche pas une conclusion d’aggravation récente de l’écoulement naturel par ces ouvrages
Le fait que les ouvrages en cause n’ont pas causé d’aggravation de l’écoulement naturel des eaux pendant des décennies ne constitue pas une défense. La seule question pertinente est de déterminer si l’écoulement des eaux est naturel ou le fruit d’une intervention humaine. S’il est le fruit de l’intervention humaine, le fonds inférieur n’est pas tenu de recevoir cet écoulement.
Une intervention humaine réalisée il y a plusieurs années peut donc, du jour au lendemain, aggraver la situation d’un fonds inférieur. Dans une telle situation, le fonds inférieur n’a aucune obligation de recevoir cet écoulement non-naturel des eaux.
La Cour supérieure possède un pouvoir discrétionnaire pour façonner les ordonnances en injonction nécessaires pour régler un problème d’aggravation
Les tribunaux rejettent systématiquement les arguments de défendeurs qui tentent d’échapper à leurs obligations en prétendant que les conclusions recherchées par le demandeur ne sont pas assez précises ou susceptibles d’exécution.
Ainsi, la Cour d’appel a rejeté à trois reprises dans les cinq dernières années les arguments de défendeurs selon lesquels une ordonnance qui impose de réaliser avant une date maximale les travaux nécessaires pour que cesse une aggravation est invalide parce qu’imprécise.
De même, la Cour d’appel a rejeté les prétentions de défendeurs selon lesquels les demandeurs doivent proposer une méthode pour régler le problème d’aggravation dans leurs conclusions.
La Cour supérieure possède donc un pouvoir discrétionnaire pour modifier des conclusions en injonction, si elle le croit utile, afin de régler un problème d’aggravation d’écoulement naturel des eaux.




