
La pertinence : un sujet toujours pertinent
Dans la décision récente de Sotramont Gatineau inc. c. Original Baked Quality Pita Dips Inc., 2020 QCCS 143 (CanLII) rendue le 23 janvier 2020, l’honorable juge Jean Faullem se penche sur une demande de communication de documents en vertu de l’article 169 du Code de procédure civile.
La demanderesse demandait la communication des états financiers de la défenderesse.
L’article 169 C.p.c. prévoit :
169. Une partie peut demander au tribunal toute mesure propre à assurer le bon déroulement de l’instance.
Elle peut aussi demander au tribunal d’ordonner à une autre partie de fournir des précisions sur des allégations de la demande ou de la défense ou de lui communiquer un document, ou encore de procéder à la radiation d’allégations non pertinentes.
Le jugement qui accueille une telle demande peut enjoindre à une partie de faire un acte dans un délai imparti sous peine de rejet de la demande introductive de l’instance ou de la défense ou de la radiation des allégations concernées.
Cette décision est intéressante car elle contient une revue efficace et complète des principes directeurs devant guider le tribunal lors d’une demande de communication de documents à un stade préliminaire des procédures.
Après avoir cité des décisions clés en cette matière[1], le tribunal fait état des principes suivants qui doivent être pris en compte lors d’une demande de communication de documents en vertu de l’article 169 C.p.c. :
- La communication du document répond uniquement à l’exigence de la pertinence dans un débat et non de la volonté d’une partie de le produire ou non ;
- L’esprit actuel du Code de procédure civile est de favoriser une divulgation hâtive et complète de la preuve ;
- La recherche de la vérité demeure le principe cardinal de la conduite d’une instance civile et donc la pertinence doit s’évaluer de manière large ;
- L’obligation de la pertinence empêche les parties de se livrer à une recherche à l’aveuglette dans les dossiers de son adversaire. Le bon déroulement de l’instance ne doit pas être ralenti, compliqué ou compromis par l’introduction d’éléments inutiles ;
- Le tribunal peut refuser une demande de communication de documents lorsque celle-ci requiert l’analyse d’un nombre disproportionné de documents, un nombre d’heures excessifs ou des coûts démesurés ;
- Un tribunal ne peut ordonner à une partie ou à un tiers d’accomplir un travail d’analyse ou de confectionner un document ;
- Le respect du principe de proportionnalité doit aussi guider le tribunal qui a l’obligation d’assurer un saine gestion des ressources judiciaires ;
- En vertu de l’article 20 C.p.c., les parties ont une obligation de coopération, de favoriser un débat loyal et d’assurer la conservation d’éléments de preuve pertinents.
En l’espèce, en appliquant ces principes, le tribunal conclut que les états financiers doivent être transmis à la demanderesse. Il conclut que la somme des revenus tirés par la défenderesse pour l’exploitation de ses entreprises est au cœur du litige des parties car la question centrale à déterminer est le montant payable par la défenderesse en vertu de son bail, montant qui est basé sur son chiffre d’affaires.
Compte tenu de ce qui précède, la demande de communication de documents demeure toujours soumise au concept de la pertinence qui doit recevoir une interprétation large et généreuse, mais qui reste néanmoins limitée par notamment le principe de la proportionnalité et les expéditions de pêche abusives.
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[1] Envac Systèmes Canada inc. c. Montréal (Ville de), 2016 QCCS 1931 ; Lussier c. Expedia Group Inc., 2019 QCCS 4927 ; Pétrolière Impériale c. Jacques, 2014 CSC 66, [2014] 3 R.C.S. 287.