
Un critère moins strict pour les appels incidents hors délai
Le critère de l’impossibilité en fait d’agir plus tôt ne s’applique pas aux demandes de former un appel incident hors délai. C’est ce qu’a décidé la Cour d’appel dans Montambault c. Outfront Media Canada[1].
L’appelant/intimé incident, Serge Montambault, dépose une déclaration d’appel contre un jugement de la Cour supérieure le 3 janvier 2020. S’ensuit le 8 janvier 2020 une demande de rejet de l’appel déposée par l’intimée/appelante incidente, Outfront Media Canada LP / Média Outfront Canada S.E.C. Cette demande de rejet de l’appel est rejetée par la Cour le 9 mars 2020.
Ainsi, ce n’est que le 16 mars 2020 que Outfront dépose une déclaration d’appel incident[2].
Rappelons ici que le dépôt et la signification d’un appel incident doivent normalement avoir lieu dans les 10 jours de la signification de la déclaration d’appel ou de la date que porte le jugement autorisant l’appel[3]. Avec un délai de plus de deux mois, Outfront est donc loin du compte.
Rappelons également que, contrairement à la situation qui prévalait sous l’ancien Code de procédure civile, le délai pour former un appel incident est de rigueur et emporte déchéance[4].
Toutefois, la Cour d’appel retient trois arguments pour conclure que, contrairement à la demande de former un appel hors délai, le critère de l’impossibilité en fait d’agir plus tôt ne s’applique pas à la demande de former un appel incident hors délai :
[27] […] la règle d’interprétation specialia generalibus derogant ainsi que le choix du législateur, à l’article 363 alinéa 2 C.p.c., de distinguer l’appel incident et l’appel principal amènent la Cour à conclure que le critère de l’impossibilité en fait d’agir ne s’applique pas à l’appel incident hors délai. Cette solution s’appuie également sur le fait que l’objectif de stabilité des jugements n’est généralement pas en cause lorsqu’il s’agit d’autoriser ou non un appel incident hors délai.
(références omises)
Cela dit, la Cour d’appel n’autorisera un appel incident hors délai que « si elle l’estime approprié »[5]:
[29] D’ailleurs, la Cour précise dans l’arrêt Lambert c. Bérubé que l’exercice « de cette discrétion […] devra notamment tenir compte du moment où la demande est formulée dans le déroulement de l’appel et du sérieux de l’appel incident proposé ». Ainsi, bien qu’un appelant incident hors délai n’ait pas à démontrer qu’il a été en fait dans l’impossibilité d’agir plus tôt, il doit néanmoins justifier son retard.
(références omises)
En l’espèce, Outfront a satisfait aux critères applicables et la Cour d’appel fait droit à sa requête pour permission de produire une déclaration d’appel incident hors délai.
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[1] 2020 QCCA 1145.
[2] À noter que « le dépôt d’une demande de rejet de l’appel ne suspend pas le délai de formation de l’appel incident » (par. 10).
[3] Art. 360 al.2 C.p.c.
[4] Art. 84 et 363 C.p.c.
[5] Art. 363 C.p.c.