SUBSTITUTION DE GARANTIE : Le tribunal peut exceptionnellement ordonner la substitution d’une hypothèque conventionnelle par une autre sûreté suffisante.
L’article 2731 C.c.Q. permet au propriétaire d’un bien grevé d’une hypothèque légale – sauf exceptions – de demander au tribunal d’y substituer une autre sûreté suffisante. En pratique, ce mécanisme peut s’avérer très utile lorsque l’existence d’une hypothèque met le propriétaire en défaut vis-à-vis d’un tiers ou entrave sa capacité de financement. Pensons par exemple au donneur d’ouvrage, dont le projet peut être paralysé par la publication d’une série d’hypothèques légales, sans qu’il ne soit généralement possible d’en faire contrôler la légalité à l’intérieur d’un délai utile.
En principe, il n’existe aucun équivalent à la disposition précitée lorsque l’hypothèque en cause est d’origine conventionnelle. Ainsi, même s’il est possible de protéger son créancier par le biais d’une autre sûreté, un débiteur ne pourra normalement pas le contraindre à renoncer à son hypothèque même si celle-ci aggrave sa situation.
A priori, ceci n’a rien de choquant, car notre droit des obligations est fondé sur les principes du consensualisme et de l’immutabilité du contrat. Ici comme ailleurs, il arrive cependant qu’un créancier exerce ses droits de manière contraire aux articles 6, 7 et 1375 C.c.Q. et, dans un tel cas, le tribunal pourrait accepter de substituer à son hypothèque conventionnelle une autre sûreté jugée suffisante par voie d’ordonnance de sauvegarde comme l’a décidé la Cour supérieure dans un jugement de 2014[1].
Tout récemment, la Cour supérieure a réitéré cette possibilité dans l’affaire Samprêt Plus Inc. c. Energyor Technologies Inc., 2018 QCCS 4873, concluant néanmoins qu’il n’y avait pas lieu, en l’espèce, d’accueillir la demande. La Cour écrit ce qui suit au niveau du cadre d’analyse applicable à une telle demande :
[20] In cases of abuse and where the security offered is sufficient, a safeguard order can be sought to allow the Court to intervene to redress the situation. The principles applicable to safeguard order are identical to those of the provisional injunction. The remedy is, therefore, discretionary, exceptional and ordered for a limited duration where there is a demonstration of urgency; an appearance of a right and irreparable prejudice. In cases where the appearance of right is not clear, it must be demonstrated that the balance of inconvenience favours the issuance of such an order.
Suivant ces deux jugements de la Cour supérieure, un débiteur peut donc obtenir la substitution d’une hypothèque conventionnelle grevant son ou ses biens dans la mesure où son créancier a abusé de ses droits et où il rencontre les critères applicables aux ordonnances de sauvegarde (urgence, droit apparent, préjudice sérieux ou irréparable et balance des inconvénients).
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[1] Gestion Segi Ltée c. 8277346 Canada Inc., 2014 QCCS 4113 (CanLII).