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La Cour supérieure peut-elle se saisir d’actions collectives visant des demandes relatives à des baux de logement?

La Cour supérieure peut-elle se saisir d’actions collectives visant des demandes relatives à des baux de logement?

La Cour d’appel répond par la négative dans l’affaire Veer c. Boardwalk Real Estate Investment Trust, 2019 QCCA 740, le 26 avril dernier. Plus largement, la Cour d’appel se demandait : qu’arrive-t-il lorsque le législateur attribue une compétence exclusive à un tribunal, tout en ayant attribué à la Cour supérieure la compétence en matière d’action collective? Alors, la compétence de la Cour supérieure en matière d’action collective ne peut servir à écarter cette compétence exclusive.

L’appel mu devant la formation de trois juges regroupe deux demandes d’autorisation d’actions collectives introduites devant la Cour supérieure :

  1. Dans le dossier 187, la demanderesse souhaite réclamer, au nom de tous les locataires qui n’ont pas été avisés du loyer le plus bas dans l’année précédant la signature de leur bail depuis mars 2014, (a) la différence entre le loyer payé et le loyer le plus bas payé au cours des 12 mois précédant le début du bail, (b) 1 500 $ par membre à titre de dommage moral et (3) 1 500 $ par membre à titre de dommages punitifs.
  1. Dans le dossier 189, la demanderesse souhaite réclamer, au nom de tous les locataires qui ont subi une perte de jouissance des lieux causée par des travaux majeurs dans six immeubles du propriétaire, des dommages et une réduction de loyer.

Les intimés ont demandé le rejet des recours et ont eu gain de cause devant la Cour supérieure. Le banc de la Cour d’appel, formé par les juges Kasirer, Savard et Roy, confirme la décision de première instance et articule le raisonnement suivant au soutien de leur décision.

Pour les réclamations avant le 1er janvier 2016

En 1978, lors de l’introduction de l’action collective dans le droit québécois, le législateur confie à la Cour supérieure la compétence exclusive d’entendre les actions collectives. Or, lorsque le législateur attribue une compétence exclusive à un tribunal, la compétence de la Cour supérieure en matière d’action collective ne peut servir à écarter cette compétence exclusive.

D’abord, les dispositions du Code de procédure civile relatives à une action collective sont procédurales et ne sauraient faire échec aux règles applicables en matière de compétence; elles ne créent pas de droit substantif.

Ensuite, en matière de logement, l’article 28 de la Loi sur la Régie du logement, tel qu’il se lisait avant l’adoption du nouveau Code de procédure civile, attribue une compétence exclusive à ce tribunal administratif en certaines matières, notamment pour toute demande relative au bail d’un logement lorsque la somme en jeu ne dépasse pas le seuil de compétence de la Cour du Québec.

Pour les réclamations après le 1er janvier 2016

Dans le cadre de sa refonte de la procédure civile, le législateur regroupe les dispositions relatives à la compétence de la Cour supérieure en une seule à l’article 33 n.C.p.c.

La Cour d’appel rejette la prétention de l’appelante voulant que par le texte du deuxième alinéa de cet article, le législateur indique qu’il n’y a plus de limite aux recours qui peuvent procéder par action collective.

Le deuxième alinéa de l’article 33 n.C.p.c. précise que seule la Cour supérieure peut entendre des actions collectives, mais il n’indique pas que tout type de recours peut procéder par voie d’action collective. Il doit être lu conjointement avec le premier alinéa qui limite la compétence de la Cour supérieure lorsque la loi attribue formellement et exclusivement à une autre juridiction la compétence sur une matière.

De plus, le nouvel article 571 n.C.p.c. reprend l’énoncé jurisprudentiel antérieur que l’action collective est un moyen de procédure.

Finalement, les commentaires de la ministre sur les articles 33 et 571 ne laissent pas entendre que le législateur s’apprêtait à effectuer quelque changement que ce soit sur l’étendue de la compétence de la Cour supérieure. La Cour rappelle qu’on ne doit pas présumer qu’un amendement implique un changement de l’état du droit en l’absence d’une indication contraire.

Pour terminer, la Cour réitère qu’en matière d’interprétation des lois, on peut appliquer un principe de présomption de stabilité du droit, particulièrement en matière de compétence.

 

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