Le non-respect du formalisme propre aux contrats conclus avec une municipalité entraîne la nullité absolue de ceux-ci
Ville de Saguenay c. Construction Unibec Inc., 2019 QCCA 38
Le 31 octobre 2012, la Ville de Saguenay confie à Gémel inc. la tâche de préparer les plans et devis pour la construction d’un nouveau centre multifonctionnel ainsi que la surveillance des travaux de construction. Le contrat de construction du centre multifonctionnel est quant à lui octroyé à Construction Unibec Inc.
En cours de construction, et à la suite d’une directive de chantier modifiant la portée de certains travaux, Unibec réalise qu’une plus grande quantité de sable qu’anticipée sera nécessaire pour compléter les travaux visés dans la directive, et pour laquelle elle avait fourni son prix. Survient alors une entente verbale sur le chantier, entre le chargé de projet de Gémel et un représentant d’Unibec, à l’effet que l’excédent de sable nécessaire se fera « en régie contrôlée », soit selon le coût des matériaux et de la main d’œuvre.
Fort de cette entente, Unibec poursuit les travaux, et soumet, au terme du projet, une facture de 148 652,39 $ pour travaux excédentaires liés au transport du sable.
En première instance, l’honorable Gratien Duchesne fait droit à la demande d’Unibec concluant, à la suite à son analyse de la preuve, à l’existence d’une entente verbale entre Unibec et un représentant de la Ville de Saguenay.
Après analyse, la Cour d’appel renverse la décision du juge de première instance et déclare nulle l’entente verbale prétendument conclue sur le chantier.
La Cour d’appel note à juste titre que la conclusion d’un contrat avec une municipalité locale doit respecter certaines formalités contenues dans la Loi sur les cités et villes, dont au premier chef « l’adoption, par les membres de son conseil, d’un règlement ou d’une résolution » l’autorisant à s’engager contractuellement :
[36] Le juge de première instance ne pouvait donc pas conclure à la formation d’un nouveau contrat, en l’absence d’une résolution du conseil de l’appelante autorisant l’exécution des travaux, d’un règlement de délégation adopté en application des articles 350 et 477.2 de la L.C.V. par le conseil de l’appelante autorisant son employé à modifier le contrat intervenu avec Unibec et à en conclure un nouveau, ou en l’absence d’une résolution du conseil de l’appelante ratifiant a posteriori le consentement verbal donné par son employé.
Étant donnée la nullité du contrat conclu en violation des exigences de la L.C.V., la Cour d’appel se penche sur la restitution des prestations, et à son application dans les circonstances. Remarquant que la question est présentement pendante devant la Cour suprême dans l’affaire Ville de Montréal c. Octane Stratégie inc., la Cour d’appel se range pour l’heure derrière la position qu’elle avait prise dans cette décision.
La Cour d’appel conclut donc que :
[47] Dans le présent dossier, l’application de la restitution des prestations procurerait à Unibec un avantage indu. Le contrat intervenu le 18 juillet 2013 comprenait les travaux de remblayage, c’est-à-dire les coûts pour la fourniture et le transport du sable. Les dépassements de coûts résultent possiblement d’une erreur d’Unibec lors de la confection de sa soumission. En transmettant sa soumission (148 588,71 $) à l’appelante en réponse à la directive de chantier du 14 mai 2013, Unibec s’engageait à exécuter les travaux, dont le remblayage nécessaire, en respectant ce prix. De son côté, l’appelante s’attendait à payer ce prix pour les travaux d’aménagement de la surface et des travaux de drainage qui comprenaient, dès le départ, la réalisation d’un remblai. Le même raisonnement s’applique au moyen fondé sur l’enrichissement injustifié plaidé par Unibec. Dans ce cas, il doit y avoir un appauvrissement, un enrichissement corrélatif et l’absence de justification. En l’espèce, ce dernier élément est absent, car Unibec s’est contractuellement engagée à faire ces travaux pour un prix déterminé.
[48] Pour ces raisons, il n’y a pas lieu d’ordonner la restitution des prestations ou d’appliquer l’enrichissement injustifié. L’appelante n’est pas tenue de payer la somme réclamée par Unibec pour le remblayage et le transport du sable.