
Le droit à la communication de documents n’est pas une affaire de gestion
Dans l’affaire Ravary c. Fonds mutuels CI inc., 2018 QCCA 606, le demandeur, ayant été autorisé en 2010 à instituer une action collective contre deux gestionnaires de fonds mutuels, cherche maintenant à obtenir des informations additionnelles concernant des transactions effectuées dans les fonds communs de placements visés par son recours.
Or, cette demande lui est refusée par l’honorable Louis J. Gouin, j.c.s., notamment pour les raisons suivantes :
Le Tribunal a eu la nette impression que le Demandeur était encore au stade de son enquête de départ, d’exploration, alors que 13 années se sont écoulées depuis le dépôt de la première procédure reliée à l’Action collective!
[…] Ce « va et vient » a assez duré et le Tribunal l’a clairement indiqué dans le Jugement/Cadre :
« […] ce dossier est constitué et composé de procédures à n’en plus finir et, plus que jamais, les parties, sans exception, doivent faire preuve, d’une discipline certaine afin d’assurer une saine administration de la justice et faire en sorte que justice soit rendue, dans les circonstances, dès que possible. »[1]
Le demandeur a porté ce jugement en appel, arguant que le juge de première instance avait sacrifié « son droit à la recherche de la vérité au profit de la célérité des procédures. »[2] La Cour d’appel se pose d’abord la question suivante : Le jugement qui autorise ou refuse la communication de pièces ou autres éléments de preuve est-il une décision de gestion?[3]
La Cour estime que le jugement de première instance prive le demandeur d’éléments de preuve pertinents pour établir la véracité des allégations de la demande introductive d’instance, lui causant ainsi un préjudice irrémédiable. Selon la Cour, considérant les articles 158, 246 et 251 du Code de procédure civile, il faut distinguer le jugement qui affecte le droit d’une partie de constituer sa preuve (même s’il tranche une demande présentée par avis de gestion) de celui qui fixe les modalités et les délais de communication de celle-ci. Seul le second type de jugement représente une décision de gestion.
Bien que les parties en soient au stade de la « responsabilité » et non à l’étape de la preuve des « dommages », la Cour d’appel conclut que l’information recherchée sera utile au demandeur pour remplir son fardeau de preuve, non seulement en ce qui concerne les dommages, mais également la responsabilité. Ces informations pourraient en effet lui permettre de prouver la faute, le préjudice et le lien de causalité. En somme, la Cour juge les informations « utiles et de nature à faire avancer le débat » et accueille l’appel.
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[1] 2017 QCCS 5267, para. 16
[2] 2018 QCCA 606, para. 28
[3] 2018 QCCA 606, para. 28