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La tendance se maintient : la permission d’appeler d’un jugement qui autorise une action collective demeure exceptionnelle

La tendance se maintient : la permission d’appeler d’un jugement qui autorise une action collective demeure exceptionnelle

Dans l’arrêt récent de Commission scolaire de la Jonquière c. Marcil, 2017 QCCA 652, la Cour d’appel a rappelé le test exigeant applicable à une demande pour permission d’appeler d’un jugement qui autorise une action collective. Ce test a été énoncé clairement par le juge Chamberland dans l’arrêt phare Centrale des syndicats du Québec c. Allen, 2016 QCCQ 1878 :

[58] L’appel doit être réservé à des cas somme toute exceptionnels.

[59] Le juge accordera la permission de faire appel lorsque le jugement lui paraîtra comporter à sa face même une erreur déterminante concernant l’interprétation des conditions d’exercice de l’action collective ou l’appréciation des faits relatifs à ces conditions, ou encore, lorsqu’il s’agira d’un cas flagrant d’incompétence de la Cour supérieure.

Dans l’arrêt Marcil, le juge Jean-François Émond conclut que la demande pour permission d’appeler ne satisfait pas à ce test.

Dans cette affaire, l’intimée Marcil, mère de deux enfants qui fréquentaient la Commission scolaire de la Jonquière, désirait exercer une action pour le compte de parents dont les enfants avaient fréquenté un des établissements de la Jonquière ou des autres commissions scolaires requérantes, et qui depuis 2009 avaient assumé des frais pour l’obtention de services éducatifs ou pour l’achat de matériel scolaire qui devaient, selon elle, être gratuits en vertu de certaines dispositions de la Loi sur l’instruction publique et l’article 40 de la Charte des droits et libertés de la personne.

En première instance, la Cour supérieure a autorisé l’action collective, d’où la demande pour permission d’appeler logée par les requérantes.

Les requérantes reprochaient notamment au juge de première instance de n’avoir pas restreint le groupe à ceux qui avaient réellement encourus des frais réclamés par la représentante de l’intimée. La Cour d’appel a rejeté cet argument et a rappelé qu’une approche restrictive dans l’évaluation de l’intérêt à ester en matière de recours collectif n’était plus de mise. Citant l’arrêt Sibiga, la Cour a réitéré la règle applicable :

[16] Le juge Kasirer ajoute que, même si les frais d’itinérance contestés par la requérante Sibiga avaient été exclusivement encourus aux États-Unis, il n’y avait pas lieu de limiter l’action collective aux seuls consommateurs ayant assumé de pareils frais aux États-Unis. Il estime qu’il était possible d’inférer que des consommateurs québécois avaient également pu s’être vu facturer des frais d’itinérance abusifs en Europe ou ailleurs. Surtout, il conclut que rien ne pouvait justifier une multiplication d’actions collectives en fonction des pays où les frais d’itinérance avaient été encourus :

[144] Limiting the class to consumers who travelled only to the U.S. would, at this stage, be an arbitrary exercise of discretion. The prima facie case that Quebecers travelling to Europe or elsewhere were improperly charged roaming fees is based on the same reasoning that suggests that travellers to the U.S. other than the appellant were improperly charged: the difference is only in the numbers that, in the case of the U.S., makes the inference more probable. Moreover there seems to be no logical reason why consumers should have to introduce separate class actions for each country in which roaming charges were levied – the respondents seem to suggest, in their written argument, that this is the only way forward. This position strikes me as contrary to the application of the principle of proportionality that a judge is called on to undertake based on article 1003 C.C.P.9

[17] À mon avis, ce raisonnement trouve ici application.

Cette décision est un autre rappel que malgré le « nouvel » article 578 C.p.c. qui modifie le droit antérieur en conférant au défendeur un appel sur permission d’un jugement ayant autorisé l’action collective, ce droit demeure très limité dans les faits et ne vise que des cas exceptionnels. En effet, cet arrêt réitère que la vérification des critères énoncés à l’article 575 C.p.c. étant souple et peu exigeante, la majorité des actions collectives seront donc autorisées. Par conséquent, les défendeurs devront réserver leurs arguments pour contester l’action collective dans le cadre d’un débat au fond plutôt qu’au stade de l’autorisation.

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