La Cour d’appel tranche : l’action collective contre Apple ira finalement de l’avant!
Dans sa décision rendue le 17 mars 2021[1], la Cour d’appel confirme l’autorisation de l’action collective contre Apple Canada Inc et Apple Inc intentée par M. Raphael Badaoui et M. Benjamin Loeub au nom de tous les Québécois ayant acheté un iPhone depuis le 29 décembre 2014.
En appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli en partie la demande d’autorisation d’exercer une action collective[2], Apple prétendait notamment que la juge de première instance a erré relativement à la composition du Groupe AppleCare alors que rien dans la preuve ou la demande n’indique que d’autres membres du groupe auraient été victimes des mêmes manquements que ceux allégués par l’intimé et représentant de ce Groupe; M. Loeub.
En effet, en première instance, la demande d’autorisation regroupait deux réclamations distinctes. Une première concernant la durée de vie des piles rechargeables des appareils électroniques vendues par Apple (iPhone, iPad, iPod, Apple Watch, MacBook) ainsi qu’une deuxième visant les plans de garantie offerts par Apple, mieux connus sous les noms de « AppleCare » et « AppleCare + ».
La juge, accueillant en partie la demande d’autorisation, avait retenu plusieurs questions communes. Selon Apple, la question de la composition du Groupe AppleCare est fatale au recours puisqu’on ne peut présumer de l’existence d’un groupe.
Or, la Cour d’appel confirme plutôt qu’au cours des dernières années, le devoir imposé au demandeur de l’autorisation pour l’identification d’un groupe a été tempéré. Elle indique que « lorsqu’il est évident qu’un grand nombre de consommateurs se retrouve dans la même situation que le demandeur, il devient moins important de tenter de les identifier ». En l’espèce, le défaut invoqué par l’intimé est un manquement systématique et intentionnel d’Apple à son devoir d’information sur la garantie édictée aux articles 228 et 228.1 de la Loi sur la protection du consommateur (« LPC»). La question est donc de savoir si Apple a failli à son devoir d’information et la réponse ne peut être nuancée ou différée d’un consommateur à l’autre, soit Apple respecte les prescriptions de la loi ou elle ne les respecte pas.
La juge n’a donc pas commis d’erreur révisable en décidant que le Groupe proposé par l’intimé, estimé à plusieurs dizaines de milliers de consommateurs, remplit le critère prévu à l’article 575 paragraphe 3 du Code de procédure civile.
Quant au Groupe des piles, Apple soutient que la juge ne pouvait y inclure tous les consommateurs ayant acheté un de ses produits, cette conclusion n’étant soutenue par aucune allégation. La Cour rappelle cependant que l’approche en matière d’action collective doit être souple, libérale et généreuse. À cet égard, un message d’Apple publié le 28 décembre 2017 indique clairement que de nombreux consommateurs se sont plaints au sujet de la performance des piles de leurs iPhone, ce qui est suffisant pour conclure qu’il existe un groupe de consommateurs ayant subi les mêmes problèmes que l’intimé, M. Badaoui.
Toutefois, la Cour indique qu’il y a lieu de réduire le Groupe aux seuls consommateurs ayant acheté un iPhone depuis le 29 décembre 2014, étant donné que l’intimé n’allègue que des problèmes avec son iPhone et que la publication d’Apple ne concerne que ces appareils.
Au terme de cette action collective, des dommages-intérêts punitifs de 300 $ par personne sont réclamés à Apple au nom de tous les Québécois qui ont acheté un iPhone depuis le 29 décembre 2014. Le tribunal devra notamment déterminer si Apple a informé adéquatement ces clients de la durée de vie limitée des piles de ces appareils par rapport à celle des appareils eux-mêmes, comme la LPC l’exige au Québec.
Les consommateurs qui possèdent la garantie prolongée AppleCare depuis le 20 décembre 2015 pourraient aussi être dédommagés. Là encore, le tribunal devra déterminer si Apple en a informé ses clients avant qu’ils ne souscrivent une telle garantie, comme l’exige la loi. D’autres remboursements ou dommages compensatoires pourraient aussi être exigés, selon le dénouement du dossier.
Notons également qu’Apple a déjà fait l’objet de plusieurs poursuites et amendes ailleurs dans le monde, notamment en Europe et aux États-Unis, concernant l’obsolescence programmée de ses téléphones intelligents.
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[1] Apple Canada inc. c. Badaoui, 2021 QCCA 432
[2] Badaoui c. Apple Canada inc., 2019 QCCS 2930