![La constitutionnalité du régime législatif et réglementaire encadrant les plaideurs quérulents](https://imk.ca/wp-content/uploads/2016/07/Raphael_WEB-1024x683.jpg)
La constitutionnalité du régime législatif et réglementaire encadrant les plaideurs quérulents
Un plaideur quérulent qui conteste la constitutionnalité des dispositions législatives et réglementaires encadrant l’exercice de son droit d’entreprendre de nouveaux recours.
Évidemment.
Dans un arrêt récent, Grenier c. Procureur général du Québec, 2018 QCCA 266, la Cour d’appel rejette cette contestation constitutionnelle et ce faisant, maintient le jugement de première instance.
Comme premier argument, M. Grenier prétend que le juge de la Cour supérieure s’est prêté à un exercice illégal de reformulation de sa demande en nullité. M. Grenier invoquait une multitude de dispositions législatives au soutien de son recours, dont la Magna Carta de 1215. La Cour supérieure a eu à faire un exercice d’élagage, au bénéfice de M. Grenier dont la procédure présentait des « faiblesses rédactionnelles ». La Cour d’appel rejette l’argument de M. Grenier, estimant que l’exercice d’élagage effectué était respectueux de la latitude accordée aux tribunaux dans ces circonstances. Un tribunal n’a pas à traiter chaque élément de fait, chaque argument de droit. Il possède une latitude pour traiter dans son jugement les éléments qui lui paraissent essentiels. Bref, la Cour supérieure n’avait pas à analyser la contestation de M. Grenier en fonction de la Magna Carta de 1215. Bien.
Comme second argument, M. Grenier plaide qu’une législature provinciale ne peut limiter l’accès à la Cour supérieure sans enfreindre l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. L’argument est rejeté. L’accès à la Cour supérieure n’est pas un droit absolu et nul ne peut prétendre avoir un droit d’entreprendre un recours abusif. En vertu de l’article 92 par. 14 de la Loi constitutionnelle de 1867, les législatures provinciales disposent des pouvoirs nécessaires pour imposer des conditions quant aux modalités d’accès à la justice. Les dispositions encadrant les recours des plaideurs déclarés quérulents entrent clairement dans cette catégorie. Elles permettent d’empêcher la tenue de longues enquêtes dans le cadre de recours frivoles et vexatoires, le tout au bénéfice de l’ensemble des justiciables « qui se voient privés de précieuses plages de disponibilité judiciaire pour l’adjudication des disputes les concernant ».
Comme troisième argument, M. Grenier prétend que le régime encadrant les recours des plaideurs déclarés quérulents ne prévoit aucune limite à la durée de l’ordonnance rendue, une personne pouvant donc être assujettie à ces conditions à perpétuité. La Cour d’appel n’y voit aucun problème et insiste sur le fait que chaque dossier est un cas d’espèce, que l’ordonnance est rendue à la suite d’une audition à laquelle le plaideur visé a participé et que le tout est sujet à un appel, sur permission, devant la Cour d’appel.
Comme quatrième argument, M. Grenier s’en prend au processus de filtrage, dont est responsable le juge en chef de la Cour supérieure, pour déterminer si un plaideur quérulent, malgré l’ordonnance rendue le visant, peut entreprendre un nouveau recours. Selon M. Grenier, ce processus viole ses droits prévus à l’article 23 de la Charte québécoise puisque la demande peut être traitée sans audience formelle, en personne (viva voce). Conformément au principe reconnu en droit administratif, le droit d’être entendu n’implique pas nécessairement le droit d’être entendu en personne. Selon la Cour d’appel, ce principe s’applique ici. Le plaideur déclaré quérulent peut faire valoir ses moyens par écrit et sa demande sera traitée par un tribunal indépendant et impartial. Également, la décision rejetant la demande d’autorisation est sujette à un appel, sur permission. L’argument de M. Grenier est rejeté.
Comme dernier argument, M. Grenier plaide que le fait d’être inscrit au registre des plaideurs quérulents porte atteinte à la réputation, dignité et l’honneur des plaideurs quérulents protégés par l’article 4 de la Charte québécoise. Évidemment, cet argument fait abstraction du fait que les plaideurs quérulents sont déjà visés par des jugements, publics et accessibles en ligne, qui les déclarent plaideurs quérulents et qui les assujettissent à des conditions pour entreprendre de nouveaux recours. M. Grenier prétend que le registre, qui est lui-même public et disponible en ligne, facilite le repérage de ces jugements. La Cour d’appel est d’accord sur ce point, c’est le but de ce registre… Toutefois, le registre n’a pas pour but d’entacher davantage la réputation des plaideurs quérulents, mais plutôt de protéger les victimes de ces recours frivoles et vexatoires et d’éviter que certains plaideurs quérulents entreprennent un recours malgré l’ordonnance d’interdiction les visant. L’argument est rejeté.
D’autres arguments ont été soulevés par M. Grenier, et traités par la Cour supérieure et la Cour d’appel, mais en vertu de la même de la latitude accordée aux tribunaux, je m’autoriserai à traiter uniquement de ces cinq arguments qui m’ont apparus les plus importants.