
Hypothèque légale de la construction : la Cour d’appel réaffirme la théorie de la plus-value relative
Dans un jugement rendu le 6 novembre 2017[1], la Cour d’appel s’est prononcée sur la méthode de collocation applicable lorsque le prix de vente d’un immeuble obtenu lors d’une vente sous contrôle de justice ne suffit pas à payer tous les créanciers hypothécaires conventionnels et ceux détenteurs d’une hypothèque légale de la construction.
Plus précisément, la question était de savoir s’il fallait appliquer la théorie de la plus-value absolue ou plutôt celle de la plus-value relative afin de calculer la portion à distribuer aux créanciers détenteurs d’une hypothèque légale de la construction.
La question s’est posée dans le cadre d’une demande en modification d’un état de collocation qui a été refusée en première instance. En appel, l’appelante conteste l’état de collocation en alléguant que ceci n’est pas compatible avec son obligation de se conformer à la plus-value relative.
Dans son analyse, la Cour d’appel rappelle tout d’abord les principes applicables en matière d’hypothèque légale de la construction. Essentiellement, la Cour rappelle que l’hypothèque légale de la construction prend rang avant les autres hypothèques, mais uniquement à la hauteur de la plus-value apportée à l’immeuble apportée à la fin des travaux.
La Cour fait ensuite une analyse des théories de la plus-value absolue et de la plus-value relative en indiquant clairement que c’est cette dernière qui doit l’emporter. La Cour reprend l’approche privilégie dans l’arrêt Construction Delaumar inc. c. Verrières Val des arbres inc. (Séquestre de)[2] [«Construction Delaumar »] où la Cour d’appel a plutôt opté pour la théorie de la plus-value relative :
[27] [Dans cette affaire], le prix de vente reçu à la suite de la déconfiture du donneur d’ouvrage étant insuffisant pour payer toutes les créances garanties par des hypothèques, le différend se limitait à déterminer comment les bénéficiaires des hypothèques légales de la construction devaient être colloqués. La Cour y retient la thèse dite de la « plus-value relative », rejetant de ce fait celle de la « plus-value absolue ».
(Nous soulignons)
Réaffirmant l’approche adoptée par le tribunal dans cet arrêt, la Cour d’appel en l’espèce conclut ce qui suit :
[28] C’est donc un montant correspondant à la « plus-value relative » qui, au moment de distribuer les sommes provenant de la réalisation d’une garantie, revient exclusivement aux détenteurs d’une hypothèque légale de la construction, et non un montant correspondant à la « plus-value absolue », telle que fixée à la date de la fin des travaux. La plus-value relative correspond à un pourcentage du prix de vente net obtenu lors de la vente de l’immeuble sous contrôle de justice. Ce pourcentage est égal au rapport de la valeur marchande ajoutée par les travaux sur la juste valeur marchande totale de l’immeuble, ces deux valeurs étant fixées à la date de la fin des travaux. Le prix de vente net est le prix obtenu lors de la vente sous contrôle de justice moins les créances prioritaires.
(Nous soulignons)
Par ailleurs, la Cour souligne également que bien que le nouveau Code de procédure civile ne reprend pas textuellement les articles 721 et 722 de l’ancien C.p.c. portant sur la ventilation du produit de la vente, il n’y a pas lieu de remettre en question le bien-fondé de l’arrêt Construction Delaumar sur l’applicabilité de la théorie de la plus-value relative. Elle exprime ce qui suit :
[31] […] Or, l’article 2793 C.c.Q. renvoie aujourd’hui aux règles des titres III et IV du livre huitième du nouveau Code de procédure civile (le « C.p.c. ») sur la vente sous contrôle de justice et sur la distribution du produit de l’exécution, ce qui comprend l’article 768 C.p.c., qui reprend en d’autres mots la ventilation anciennement prévue aux articles 721 et 722 de l’a.C.p.c. Les commentaires de la ministre de la Justice indiquent d’ailleurs que l’article 768 C.p.c. reprend le droit antérieur. Avec égards, il n’y a donc pas lieu de remettre en question le bien-fondé de la décision de la Cour dans Construction Delaumar sur l’applicabilité de la théorie dite de la « plus-value relative ».
Pour conclure, cet arrêt vient confirmer la théorie de la plus-value relative reconnue dans l’arrêt Construction Delaumar selon laquelle les bénéficiaires d’hypothèques légales ne sont payés par priorité que sur la portion du prix de vente représentant la plus-value donnée à l’immeuble.
Cette théorie sera désormais privilégiée par le tribunal, mettant ainsi fin au débat doctrinal entre les défenseurs des théories de la plus-value absolue et de la plus-value relative.
[1] Financière Castleton ltée c. Robert Hardy inc., 2017 QCCA 1725
[2] 2012 QCCA 985