
Cas particulier de l’interrogatoire par écrit du défendeur au stade de l’autorisation de l’action collective
Dans Gartner c. Ford Motor Company of Canada, 2020 QCCS 3160, le juge Lussier se penche sur un interrogatoire par écrit de l’affiant des défenderesses au stade de l’autorisation d’une action collective. Les défenderesses avaient été autorisées au préalable à déposer une déclaration sous serment à titre de preuve appropriée.
Le juge Lussier ajoute à la jurisprudence, déjà abondante, qui limite la portée des interrogatoires au stade de l’autorisation d’une action collective.
Selon le juge Lussier, cette règle ne vise pas uniquement les interrogatoires du représentant. Elle vise aussi les interrogatoires des affiants des défendeurs. Le juge Lussier critique ainsi les questions posées par les avocats de la représentante, ces derniers ayant cherché à attaquer la crédibilité de l’affiant des défendeurs. Cela n’est pas l’objectif d’un tel interrogatoire.
Il écrit :
[11] Prior to authorization, the only evidence that is admissible is that which enlightens the Court as to the fulfilment of the conditions set out at article 575 CCP. In addition, Plaintiffs are not allowed to discover Defendants.
[12] Accordingly, the questions addressed to Mr. Gregory West have to relate to the allegations of his declaration and must not constitute a discovery. The examination is limited by the scope of the permission. […]
[…]
[14] These questions were answered by Mr. West, and are not objected to. But they illustrate what the undersigned was trying to prevent by limiting the scope of the examinations. The answers sought are of no assistance in determining whether the criteria of article 575 CCP are met or not.
[15] Issues of credibility are reserved for the merits. As early as 2002, the legislator prevented Defendants from examining Plaintiffs on grounds other than the ones authorized by the managing judge. Is not useful for the Court at this stage, to assess the credibility of Mr. West. The information conveyed by Mr. West was non controversial and was allowed in the Court record for that reason.
(nous soulignons)
Deuxièmement, le juge Lussier applique la règle énoncée à l’article 223 al. 3 C.p.c. à l’interrogatoire par écrit de l’affiant des défenderesses tenu au stade de l’autorisation d’une action collective.
Ainsi, le juge Lussier conclut que les réponses écrites données aux questions posées ne font pas automatiquement partie du dossier d’action collective, et le seront uniquement si l’une ou l’autre des parties choisit de le faire (voir le texte de l’article 223 al. 3 qui est clair à cet effet).
Cette règle, appliquée aux interrogatoires par écrit de l’affiant du défendeur, se démarque donc de la règle généralement acceptée (bien qu’il demeure un certain flottement) selon laquelle l’interrogatoire tenu oralement du demandeur au stade de l’autorisation fait automatiquement partie du dossier.
Les auteurs Marseille et Durocher écrivent ce qui suit à ce sujet :
Le tribunal peut également autoriser l’interrogatoire du demandeur, hors cours ou à l’audience, en vertu de l’article 574 C.p.c. La demande qui vise à obtenir l’autorisation d’interroger le demandeur doit identifier avec le plus de précision possible les sujets visées par l’interrogatoire proposé, et établir en quoi cet interrogatoire est utile à la détermination des conditions énoncées à l’article 575 C.p.c. Le jugement qui autorise un tel interrogatoire précise également, outre les sujets permis, la durée maximale de l’interrogatoire et, s’il doit avoir lieu en présence du juge, la date de l’interrogatoire. Notons enfin que, contrairement à l’interrogatoire au préalable où la partie qui mène l’interrogatoire peut choisir de n’en produire que des extraits ou de ne rien produire du tout, les transcriptions de l’interrogatoire tenu en vertu de l’article 574 C.p.c. sont versées au dossier de la cour dans leur intégralité.
(« Définition de l’action collective, parties et tribunal compétent », dans JurisClasseur Québec, coll. « L’action collective », Autorisation d’exercer une action collective, fasc. 2, 2e éd., Montréal, LexisNexis, 2019, p. 2/16, no 23)
Selon le jugement Gartner, le traitement à donner aux interrogatoires tenus par écrit de l’affiant de la partie défenderesse est donc différent.
Le juge Lussier ajoute que les avocats de la représentante ont le choix de produire seulement certaines des réponses écrites, et pas l’entièreté des réponses (par. 50).
Cette règle se démarque aussi de la règle énoncée ci-haut par les auteurs Marseille et Durocher concernant les interrogatoires du demandeur tenus oralement. Pour ces interrogatoires, c’est l’intégralité des notes sténographiques qui doit être produite, et non pas seulement des extraits.