Article 1081 C.c.Q. : l’intérêt d’agir d’un syndicat de copropriété clarifié
La question d’intérêt dans l’affaire Syndicat des copropriétaires de Vue phase I et II c. Développement Vue phase I inc., 2020 QCCS 2148, porte sur l’interprétation de l’article 1081 C.c.Q. qui, de l’avis de la Cour supérieure, doit être interprété largement afin de permettre au syndicat de prendre des recours personnels au nom des copropriétaires et d’éviter la multiplication des procédures.
Les faits de l’affaire sont simples. En 2011, sont mises en vente les premières unités de condominium d’un projet nommé Développement Vue. Le syndicat des copropriétaires de Vue Phase I et II (le « Syndicat ») poursuit l’entrepreneur et le promoteur alléguant que les Phase I et Phase II sont affectées de vices de construction et de déficiences de conception. Notamment, le Syndicat plaide que les immeubles ne possèdent pas de système d’ancrage sur les toitures rendant le lavage de vitres impraticable compte tenu de la configuration des lieux. Le Syndicat réclame en conséquence les coûts d’installation d’un système d’ancrage sur les toits ainsi que des dommages compensatoires pour les copropriétaires.
Sans grande surprise, le Tribunal conclut d’abord que le Syndicat a tout à fait l’intérêt pour demander les coûts pour la correction du système d’ancrage des immeubles en vertu de l’article 1081 C.c.Q.
Quant aux dommages compensatoires, le Tribunal souligne que le Syndicat a choisi de limiter la réclamation aux dommages subis par les 103 copropriétaires ayant signé un formulaire d’autorisation. Le Syndicat réclame 2 500 $ par copropriétaire pour perte de jouissance, car ces derniers n’ont pu bénéficier, à travers des vitres sales et tâchées, de la vue promise au moment de l’achat (pour un total de 257 500 $). Une somme de 103 000 $ est aussi réclamée pour troubles et inconvénients.
Les défendeurs ont soutenu que l’article 1081 C.c.Q. n’autorise pas le Syndicat à prendre un recours au nom des copropriétaires pour des dommages personnels subis causés par un vice affectant les parties communes, l’autorisation prévue à 1081 C.c.Q. ne concernant que les vices affectant directement les parties privatives. Le Tribunal a refusé cette prétention concluant plutôt que l’article 1081 C.c.Q. doit recevoir une interprétation extensive et a écrit à cet effet :
[14] Le Tribunal fait sienne l’opinion de l’auteure Christine GAGNON concernant l’interprétation de l’article 1081 C.c.Q.. Cet article doit faire l’objet d’une interprétation extensive qui reconnaît aux syndicats « la qualité pour agir en justice et défendre non seulement l’intérêt collectif des copropriétaires, mais aussi leurs intérêts privés. ». Ainsi, le Syndicat peut exercer le recours personnel des copropriétaires en dommages et intérêts découlant d’une problématique liée aux parties communes de la copropriété divise incluant celles à usage restreint, telles les fenêtres de leurs unités.
Le Tribunal ajoute que le libellé de l’article 1081 C.c.Q. n’exclut pas la possibilité pour les copropriétaires de donner mandat au Syndicat d’agir en leur nom et conclut que les formulaires en l’espèce constituent des mandats valides. Le Syndicat a donc l’intérêt pour agir pour les copropriétaires ce qui évite l’introduction de multiples recours parallèles.